mardi 30 novembre 2010
Ohlala n°92 (World AIDS Day)
Pour une fois, quittons un peu ce monde de superficialité pour faire un vrai article un peu sérieux.
Demain, qui est aujourd'hui même pour vous, c'est la journée mondiale de lutte contre le sida.
Un peu partout dans le monde, des bâtiments vont être illuminés en rouge pour marquer ce jour, par exemple l'Empire State Building ou l'Hôtel de la Marie de Paris.
Mais cette journée ne sert pas juste à rendre l'Opéra de Sydney + joli.
Cette journée sert à ce qu'on parle du virus qui provoque une des maladies les moins bien comprises dans le monde.
Mal comprise parce que même si on sait aujourd'hui qu'elle est due au VIH (virus de l'immunodéficience humaine), même si on sait comment ce virus passe d'un individu à l'autre, comment ce virus s'attaque aux défenses immunitaires du corps, comment on peut ralentir ces attaques, eh bien on n'arrive toujours pas à savoir comment empêcher ce virus de rester dans le corps, ni comment l'empêcher d'y entrer.
Mais surtout mal comprise parce que même si tout le monde sait que ça existe (enfin certains osent encore remettre l'existence du virus en cause, théorie du complot & Co bonjour), peu de gens savent vraiment ce que ça signifie, "le sida". Beaucoup de gens savent juste qu'on en meurt, donc ils voient les gens touchés par le VIH comme "des gens qui vont mourir". Et bon, comme on n'est pas trop à l'aise avec la mort dans nos sociétés, bah on sait pas trop comment être avec eux - si on en connaît, sinon on évite juste d'en parler.
Et souvent, on n'en connaît pas, on a juste entendu parler de quelqu'un qui avait un oncle qui...
Ou plutôt, si, on en connaît, mais on ne le sait pas, parce que beaucoup de ceux qui sont touchés ne le disent pas. Quelqu'un qui révèle en France qu'il est séropositif a une "chance" sur deux de perdre son travail dans les six mois, juste pour vous donner une idée.
On parle beaucoup moins du sida depuis l'apparition des trithérapies. On a l'impression que l'épidémie concerne surtout l'Afrique et que c'est bien triste qu'ils meurent là-bas, mais bon de toute façon s'ils ne meurent pas de ça ils vont mourir de la guerre ou de la faim.
Pendant ce temps, en France, une vingtaine de personnes sont infectées chaque jour.
Alors, pour une fois, parlons de choses un peu utiles et, j'espère, qui vous intéresseront et vous apprendront des choses - ou alors si vous n'y apprenez rien bah c'est que vous étiez déjà bien renseigné et tant mieux, vous n'avez plus qu'à courir faire quelque chose pour "spread the word" comme on dit par chez moi, vous trouverez de l'inspiration par ici http://www.aides.org/.
- Quelle est la différence entre VIH et sida ?
Le VIH, c'est le virus d'immunodéficience humaine, autrement dit le virus (en fait il y a plusieurs types, groupes et sous-groupes de ce virus) qui s'attaque aux lymphocytes CD4, lesquels petites choses sont justement en charge de notre système immunitaire.
Le sida, c'est le syndrome d'immunodéficience acquise, c'est donc la phase avancée de l'infection par le VIH, le moment où le corps n'arrive plus à combattre l'attaque des lymphocytes CD4 et où donc on perd ses défenses immunitaires.
Autrement dit, vivre avec le VIH ne signifie pas qu'on "a le sida". Par exemple en France on estime qu'il y a 150 000 personnes séropositives (= qui ont le virus dans leur corps) dont un tiers qui ne le savent pas, mais il n'y a "que" 35 000 personnes qui en sont au stade "sida", parce que sans traitement il faut entre 8 et 10 ans (dans 80% des cas) pour développer le sida.
- Comment attrape-t-on le VIH ?
Pour que le virus entre dans le corps, il faut un liquide qui contient le virus de façon significative et il faut une portée d'entrée dans le corps.
Les liquides qui contiennent le virus sont le sperme, le sang, les sécrétions vaginales, le liquide séminal et le lait maternel.
Les portes d'entrées sont les muqueuses et les plaies ou lésions sur la peau.
Autrement dit, le VIH ne se transmet pas par la salive, les larmes ou les moustiques.
- Est-ce qu'on peut guérir du sida ?
Non, toujours pas. Le virus reste dans le corps, dans des cellules réservoir, et pour l'instant on ne sait pas comment l'en déloger. Il y a des recherches de vaccin en cours, pour éviter aux gens qui n'ont pas été touchés de l'être. Mais il ne sera pas au point avant 15 ans, dans le très optimiste meilleur des cas, parce que les processus de test sont très longs.
Ceci dit, ça ne veut pas dire que ceux qui ont le virus dans leur corps vont mourir bientôt.
Les anti-rétroviraux sont des médicaments qui empêchent la multiplication du virus en inhibant certaines de ses étapes. En général un seul type de ces médicaments ne suffit pas, il faut les combiner, d'où les histoires de "trithérapie".
Plus on se rend compte tôt de sa présence dans l'organisme, plus on accroît l'efficacité des anti-rétroviraux, d'où l'importance de faire un test de dépistage à chaque fois qu'on prend un risque. Pour rappel, il y a des centres gratuits et anonymes partout en France (vous pouvez trouver les adresses ici).
Aujourd'hui, ceux qui ont accès à des soins dès le début et qui sont bien pris en charge ont une espérance de vie comparable à celle de ceux qui ne sont pas touchés.
- Qui risque d'être touché par le VIH ?
Tout le monde.
Certes il y a un + grand pourcentage de personnes vivant avec le sida dans certaines "catégories" de la population : en autres les homosexuels, les gens qui se prostituent, ceux qui sont en prison, ceux qui se droguent en utilisant des seringues.
Mais il suffit d'une seule fois pour que le virus entre dans le corps.
D'ailleurs il y a davantage d'homosexuels que d'hétérosexuels qui utilisent des préservatifs, donc au cas où vous penseriez que les gays sont davantage touchés parce qu'ils prennent davantage de risques, qu'ils ont davantage de partenaires, etc, eh bien c'est faux.
Si je vous raconte tout ça c'est parce que je connais quelqu'un qui vit avec le VIH. Et cette personne n'est pas homosexuelle, ne s'est jamais prostituée, n'est jamais allée en prison, ne s'est jamais droguée en utilisant une seringue.
C'est juste quelqu'un qui a fait l'amour (ce qui est quand même une des meilleures choses qu'on puisse faire - oui Papa, Maman, ne faites pas les innocents, je sais très bien d'où je viens) sans préservatif, en se disant sûrement, exactement comme je l'ai déjà fait, "oh c'est bon, juste une fois, les préservatifs c'est chiant et puis le risque est si infime".
C'est quelqu'un qui n'est pas mort, c'est quelqu'un vient de tomber amoureux.
La journée mondiale de lutte contre le sida, ça n'est pas un jour pour avoir peur d'être contaminé, c'est un jour pour savoir de quoi on parle et pour se poser les questions qu'on ne s'est jamais posées, ou qu'on n'a pas osé poser.
Si vous voulez en savoir davantage, il y a plein de sites qui donnent des explications et il y a surtout ce guide que j'ai découvert il y a quelques jours sur le site de Sidaction, au départ il est destiné aux journalistes mais il est très intéressant pour mieux comprendre l'épidémie, la façon dont fonctionne le virus, etc.
Et puis cette journée sert aussi à rappeler que si 5 millions de personnes ont accès à des soins dans le monde aujourd'hui, il y en avait presque 34 millions qui vivaient avec le virus en 2008 et 2 millions qui en sont morts cette même année. Ce qui signifie qu'on a un moyen de soigner ces personnes, mais pas les moyens de le faire, parce que depuis que des soins existent, on parle beaucoup moins du virus dans les journaux et depuis la crise financière, les financements ont beaucoup diminué alors que les médicaments qui provoquent moins d'effets secondaires sont les + chers.
Si vous voulez faire un don, vous pouvez faire un tour sur le site de Aides, ou sur celui de Sidaction, ou ailleurs si vous avez une autre association préférée (Sol en Si par exemple - merde v'là que j'fais de la pub pour une ONG qui aide des enfants).
Si vous voulez juste en savoir davantage, revoilà le lien vers le guide dont je vous parlais à l'instant (la partie la + intéressante et instructive commence page 18).
J'espère que ce blabla un peu inhabituel vous a intéressé et que vous trouvez le sida un peu moins flippant après avoir lu tout ça, parce qu'en fait ça fait + peur quand on n'y connaît pas grand chose.
Si vous avez des questions et la flemme de lire le guide, vous pouvez aussi me les poser (vous pouvez aussi critiquer ou faire remarquer que je me suis trompée quelque part), soit en commentaire soit par mail (swani.smileAROBASEorange.fr), qu'on se connaisse ou pas - et y a pas de remarque ou de question trop bête ou naïve, la plupart des choses que j'ai écrites ici je les sais depuis pas longtemps (y en a même que j'ai recopiées du guide de Sidaction).
Vraiment, n'hésitez pas, demain ou n'importe quand.
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Je trouve ton article simplement parfait. Bravo. Je n'ai pas appris grand-chose, je suis déjà bien informée (à part le truc sur l'espérance de vie, j'avais retenu qu'il y avait environ une dizaine d'années de moins pour les porteurs du VIH traités, mais là ce que tu dis est une excellente nouvelle). Cela dit, je suis sûre que cela peut servir à plein de gens. Et bravo de proposer de répondre aux questions de tes lecteurs !
RépondreSupprimerIl faut bien parler de temps en temps de choses sérieuses...J'ai reçu aujourd'hui un courrier du Sidaction et je ne manquerai pas de lui donner suite. En tout cas tu en sais beaucoup plus que moi sur la question...Même si je n'étais pas totalement ignare !
RépondreSupprimer-> June : C'était aussi + ou moins ce que j'avais entendu, mais depuis quelques mois j'ai lu plusieurs fois que maintenant on considère que l'espérance de vie est "égale ou presque" à celle du reste de la population quand tout se passe dans les meilleures conditions. Et encore mieux : sans IST et avec un taux de virus maintenu très bas, des recherches ont montré qu'on ne transmet plus le virus par relation sexuelle (mais fin faut rester sous surveillance et tout, mais c'est surtout une excellente nouvelle pour les couples parce que ça diminue beaucoup la peur constante de transmettre le virus à l'autre !).
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