Et puis c'est tout.
Ce que je veux dire, c'est que le mec m'a juste proposé un truc gentiment, j'ai dit oui, j'ai dit merci, et puis voilà, il a continué à déballer les cartons et moi je suis allée acheter une demi-baguette (et du fromage de chèvre aux herbes, le tout légèrement passé au four en arrivant, gaaaaah... hum pardon).
Dans 9 cas sur 10, en France, le mec aurait juste continué à déballer ses cartons, sans m'adresser la parole.
Dans 1 cas sur 10, il aurait proposé de "me sortir une banane fraîche" avec une lueur lubrique dans l'oeil et il aurait essayé de faire la conversation et de proposer que je lui donne mon 06 (je sous-titre pour mes parents, un 06 c'est un numéro de portable, puisque ça commence par 06.**.**.**.**. P'pa, tu peux essayer d'impressionner tes élèves avec cette nouvelle connaissance mais je sais pas s'ils connaîtront, ils sont encore vierges, purs et innocents au collège - ricanement dubitatif).
Alors qu'en déduire au sujet des Américains ?
Honnêtement, je ne sais guère.
Est-ce que ça prouve qu'ils "respectent + les femmes" ? Aucune idée. Dans le doute, je choisis de penser que non.
Est-ce que ça prouve que la société puritaine évite aux noirceurs de l'âme de s'exprimer ? évite ou interdit ? Là encore, je n'en suis pas certaine.
Il y a déjà un mec qui m'a demandé mon numéro, mais d'une façon beaucoup moins oppressante qu'en France, en fait je ne sais honnêtement pas s'il avait quelque chose de + derrière la tête ou s'il proposait simplement de garder contact (quoi qu'il en soit, je ne le lui ai pas donné pour éviter toute ambiguïté et parce que j'ai pas de portable américain).
Par contre il y en a un autre qui a été super insistant auprès d'Aris le week-end où on est sorties toutes les deux dans les thrift-shops, on savait pas comment s'en débarrasser, et c'est là que j'ai pensé "putain on se croirait en France" et que j'ai réalisé que c'était la première fois, en presque 2 mois, qu'un mec était lourdement insistant et essayait à tout prix de faire la conversation tout en voyant bien qu'on n'avait pas du tout envie de répondre et qu'on essayait de lui faire gentiment comprendre qu'il pouvait aller collecter des numéros de téléphone auprès d'autres êtres humains mieux disposés.
Et en sortant de chez Trader Joe's, il y avait un attroupement autour d'un portant en métal avec plein de manteaux et un mec hurlait en ventant la qualité de ses produits et en précisant qu'ils coûtaient que 20$ et qu'il fallait se dépêcher blablabla et quand je suis passée à sa hauteur il s'est penché en disant "it's free for you, which one do you want?" avec un ton qui donnait la nausée.
Donc on ne peut pas dire que les Américains soient tous des anges asexués. Mais quand même, là je vous donne les 3 seuls exemples de drague + ou moins légère dont j'ai été la cible ou témoin.
... Soit à peu près autant qu'en marchant 300m rue Saint-Denis à Paris.
Est-ce que ça prouve qu'il est + naturel pour un Américain que pour un Français d'être juste sympa, sans idée derrière la tête, juste pour "être bon", alors qu'en France on ne peut pas s'empêcher de mettre à distance en ricanant tout ce qui touche à la morale (judéo-chrétienne?) ? ou du moins qu'on a tout le temps peur d'être "trop gentil" (expression indéfinie qui revient sans cesse comme un presque reproche dès que quelqu'un préfère "se laisser marcher sur les pieds" plutôt que d'entrer en conflit) ? C'est déjà beaucoup + probable.
Ici c'est parfaitement normal d'être sympa avec n'importe qui, quitte à se forcer pour faire comme tout le monde, certes, hypocrisie sociale, etc., mais quand même, ça n'est pas rien, de considérer que l'attitude "normale", c'est tout simplement d'être bienveillant à l'égard de ceux qui nous entourent.
Il me semble - peut-être que j'exagère - qu'en France il y a parfois une méfiance à l'égard des gens "gentils", on se demande ce qu'ils essaient de prouver, on se demande s'ils se forcent. En France, on préfère être sincère et désagréable plutôt qu'hypocrite.
Finalement, que retenir de tout ça ?
Pour l'instant rien, ça ne fait pas assez longtemps que je suis ici et je ne fréquente pas suffisamment les Américains. Et puis je n'aime pas trop tirer de leçons générales, la réalité est toujours beaucoup + complexe qu'elle n'y paraît, même pour des choses aussi simples en apparence que "les Américains sont + gentils".
Disons qu'ils semblent majoritairement + enclins que les Français à offrir leur aide et à faire de petits gestes sympa vers les inconnus. Après ça ne veut pas dire, même si c'est ce que je voudrais, qu'ils le font en se disant "j'aimerais bien que quelqu'un fasse ça pour moi, alors je vais le faire".
Pourtant, même si c'est juste une sorte de contrainte sociale, de conditionnement des comportements, eh ben je trouve ça préférable, comme endoctrinement, à cette règle de non-intervention qu'on trouve chez beaucoup de Français.
Certains disent que la société américaine est individualiste. Pour le coup, même si ça n'est peut-être pas spontané chez tous, je trouve les Américains (à première vue) beaucoup + enclins à un esprit de communauté que nous, Français qui certes sommes prêts à faire beaucoup d'efforts pour notre famille et qui donnons beaucoup d'importance à nos amis, mais ne trouvons pas naturel de nous arrêter pour proposer de l'aide à des touristes perdus dans leur carte de la ville ou pour signaler à quelqu'un qui pianote sur son ordinateur portable sous la pluie de Central Park qu'il y a un café avec le wifi gratuit à 150m.
En cadeau, parce que vous avez lu mon essai anti-anti-américain jusqu'au bout, des photos de Brooklyn, Court Street, ce soir, juste avant le coucher du soleil.
Court Street, l'une des principales rues commerçantes de Brooklyn |
Un très grand Barnes&Noble. Tout ça est rempli de livres. |
Le Trader Joe's brooklynien. Bâtiment du genre "haut de plafond" (comme le prouvent les lumières qu'on voit à travers les vitres, il n'y a pas d'étage). |
Un bâtiment dont je ne sais rien du tout, mais que quelqu'un d'autre prenait en photo, alors je me suis retournée et je l'ai trouvé plutôt sympa à regarder en effet. |
Pour le 06, j'étais au courant (quand même) et pour la banane aussi, mais j'en parlerai pas à mes élèves parce que :
RépondreSupprimer1.mes 2 classes de 3ème ne "contiennent" à peu près que des filles
2.je ne veux pas me faire radier des cadres de l'éducation nationale avant une retraite bien méritée !
Genre les collégiens savent pas ce que c'est qu'un 06. C'est pas parce qu'on est physiquement purs qu'il faut nous prendre pour des incultes non plus ! :D
RépondreSupprimerWowowow ! On se calme hein ! Je pouvais pas savoir que TOUT LE MONDE sait déjà ce qu'est un 06, moi j'ai découvert ça quand j'étais en première, avant ça se disait pas me semble-t-il, donc je savais pas trop à quel point c'était répandu mais je vois que le mal se propage vite =P.
RépondreSupprimerPutaiiiiin en fait "quand j'étais en Première" ça veut dire que "y a 4 ans". AAAAH.
RépondreSupprimerAhaha, j'ai découvert ce qu'était un 06 il y a deux ans je crois. Shame on me.
RépondreSupprimerBref, je voulais dire qu'effectivement, je constate un peu (beaucoup) la même chose que toi au Canada. Les gens sont sympas, ils sont toujours là pour t'aider, et c'est la norme d'être gentil. Bien sûr, il s'agit peut-être plus d'une convention sociale que d'une véritable volonté profonde. Mais après tout, l'un pouvant entraîner l'autre, je trouve ça bien mieux que la "sincérité" à la française.
Ce qui est vraiment étrange, c'est d'avoir du mal à comprendre qu'un inconnu puisse être gentil avec toi sans avoir d'idées graveleuses derrière la tête. C'est lorsque tu es toujours en train de te poser la question que tu t'aperçois que tu restes bien une petite française en Amérique du Nord...