Voilà ce que je viens de lire dans un commentaire sur la page Fb de Courrier International.
Ceux qui me connaissent savent que je ne suis franchement pas la première à crier au néo-colonialisme, au sexisme, à l'antisémitisme, à l'homophobie (quoique sur ce point je sois un peu + chatouilleuse) à la moindre phrase un peu ambiguë.
Et d'ailleurs ce commentaire part d'une très bonne intention, celle de remarquer qu'une fois encore, passé les semaines après la catastrophe où c'était très fashion de "donner pour Haïti", on ne s'occupe plus beaucoup des sinistrés (du moins les médias ne s'en occupent plus). D'ailleurs même sur ce point je ne suis pas entièrement d'accord parce qu'au contraire, pour une raison que je ne m'explique pas vraiment, on continue quand même de parler d'Haïti dans les JT, on commémore les "anniversaires de la catastrophe", on retourne sur les lieux 6 mois après pour voir ce qui a évolué. C'est quelque chose d'extrêmement rare.
Donc déjà rien que sur le début du commentaire me semble discutable, parce qu'il y a beaucoup de choses qui font mourir des gens, beaucoup de catastrophes, de maladies, d'enchaînements de petits incidents qui mènent à des situations critiques dont on parle beaucoup moins. Mais bon là j'enfonce des portes ouvertes.
Ce qui me dérange, vous me direz, c'est du pinaillage, mais quand même, c'est qu'il n'est pas écrit "la population" ou "les Haïtiens" mais "les populations". Quel est le problème ? Eh bien quand il y a eu un tremblement de terre en Italie il y a quelques temps, avec des gens qui avaient tout perdu et un gouvernement qui ne se bougeait pas des masses, on parlait des "sinistrés" ou des "habitants de..." ou de "LA population".
Et c'est là que toute la subtilité de la langue française entre en jeu. "La" population, c'est un tout uni, qui forme une nation civilisée, un peu comme la nôtre. "Les" populations, en exagérant un peu, c'est "les tribus primitives et mal définies". Ok, c'est exagéré. Mais est-ce que vous ne trouveriez pas ça bizarre qu'on dise "les populations du bord de l'Atlantique" pour parler de ceux qui se sont fait détruire leurs maisons il y a quelques mois dans les zones inondables ?
Mieux : les populations "sont livrées à elles-mêmes". Je sais que mon père va lever les yeux au ciel en lisant ce qui va suivre, mais moi quand j'ai lu cette phrase je me suis crue dans Tintin au Congo, "Vieille tchouk-tchouk pu marcher" / "allons vous n'allez tout de même pas laisser ce pauvre chien faire ça tout seul". Les populations sont livrées à elles-mêmes, ça n'est certainement pas ce qu'on dirait des Italiens dont les maisons avaient été détruites. Les Italiens, on disait qu'ils "comptaient sur la solidarité des villages voisins en attendant le retour à la normale". En Haïti, apparemment, si les caméras ne sont pas là, personne ne fait rien pour faire tourner ce pays. Tous ces noirs paresseux, "livrés à eux-mêmes", se complaisent dans leur pauvreté parce qu'ils sont bien incapables, de toute façon, de s'en tirer sans l'aide internationale.
J'ai bien conscience que je caricature la situation et que la personne qui a écrit ce commentaire n'avait aucun mépris pour les Haïtiens. Mais à force de parler de tous les noirs pauvres (voir les pauvres noirs ?) de la même manière, on entretient cette impression que les occidentaux ont tout compris à la vie, au développement, à la santé, à l'éducation, qu'ils détiennent toutes les clés de la réussite et qu'il suffirait aux pauvres de faire comme eux pour devenir comme eux.
Le problème c'est que la France et les Etats-Unis ne sont développés à une époque où tout était possible ou presque, alors qu'aujourd'hui les ressources sont limitées et les financements sont beaucoup + coûteux qu'autrefois. L'autre différence c'est qu'on a fait les choses comme on voulait alors qu'aujourd'hui les pays peu développés ont tout le temps quelqu'un qui cherche à leur dire ce qu'ils devraient faire (et comme toujours quand quelqu'un donne un conseil, il y a un autre bon pote qui arrive juste après pour conseiller de faire exactement le contraire).
Vouloir tout faire à la place "des populations" n'est pas la solution pour faire en sorte qu'Haïti ne soit pas l'un des pays les + pauvres du monde. Les Français aussi sont livrés à eux-mêmes et ils ne font pas grand chose pour arrêter de glisser sur cette pente de + en + poisseuse qui donne un arrière-goût amer aux rares articles que je lis parfois pour savoir ce qu'il se passe dans mon pays. Ce n'est pas pour autant qu'on dit à l'étranger que "les populations françaises sont livrées à elles-mêmes. C'est très dommage". Quoique...
PS : Aucun rapport, mais demain Molly veut que ce soit moi qui téléphone aux gars du site de matériel de streaming. Je sens que je vais mal dormir.
Non, non, je n'ai pas levé les yeux au ciel...Par contre, quand j'entends les lycéens qui manifestent pour le maintien de la retraite à 60 ans, je me dis qu'ils sont bien manipulés et que si on maintient la retraite à 60 ans, c'est eux qui vont morfler quand il faudra qu'ils paient ma retraite...Ils feraient mieux de se mobiliser pour Haîti, par exemple...ou pour les SDF locaux !
RépondreSupprimerJe suis aussi une enseignante qui n'aime pas qu'on manipule les lycéens. Et j'ai l'impression qu'on n'est pas si nombreux que ça...
RépondreSupprimerLes populations enseignantes feraient bien de temps en temps de laisser les lycéens livrés à eux-mêmes !
C'est vrai que c'est bien plus facile de pousser les lycéens à protester et s'indigner, et surtout à sécher les cours quand il fait si beau dehors, que "d'essayer de les aider" à ne pas suivre n'importe qui. Mais quand on entend les bêtises et les contre-vérités proférées sur les ondes par des chroniqueurs qui, en plus, sont profs d'économie par exemple, on se s'étonne pas, hélas, que nos pauvres "jeunes" ne comprennent pas le fonctionnement des retraites pas répartition...
RépondreSupprimerahah maintenant ton chat propose des "vols pas chers pour Haiti".. tu m'étonnes, l'avion se pose sur quoi exactement?
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