Ohlala n°16 (I DID work today!)

On m'a enfin donné du travail à C.H. !

Molly m'a demandé de passer en revue toutes les Google Alerts qu'elle reçoit chaque jour avec les termes "C.H.", "homeless *****", etc. (je suis obligée de coder les mots sinon elle va découvrir mon blog et même si je n'ai pas l'intention de dire le moindre mal de cette association géniale, j'aime autant ne pas tout mélanger et garder cet endroit pour privé).

Le but de cette exploration d'occurrences, c'est de trouver des gens qui ont une page perso et qui sont susceptibles d'accepter d'y ajouter un petit encart "C.H." pour quelques jours/semaines. Si j'aime beaucoup l'idée, je me dis que c'est fou qu'on puisse remonter jusqu'aux gens en partant simplement du nom d'une association qu'ils ont écrit quelque part. Avec un peu de persévérance et beaucoup d'aide de mon ami omnipotent Google, j'ai pu déterminer l'identité d'une vingtaine de personnes aujourd'hui, trouver leur compte twitter, Fb, leur email, leur blog perso, etc. Je sais plein de choses de leur vie et j'ai même une idée de comment il faudrait leur présenter les choses pour qu'ils acceptent d'installer ce lien incitant à faire un don pour C.H.

C'est là que je me félicite d'utiliser des noms différents sur chaque réseau social, chaque blog, chaque site où il faut donner son nom son adresse et son groupe sanguin avant de pouvoir y faire ce qu'on veut. Et encore. Dans les blogs que j'ai mis en lien, il y a des liens vers mes deux autres blogs (ok, comme c'est pas le même pseudo, pas facile de savoir que c'est moi, mais on peut potentiellement faire le lien). Et si quelqu'un s'amusait à éplucher tous mes commentaires, il trouverait mon nom de famille (merci Papa). Donc même si je ne facilite pas le travail, je laisse plein plein plein de traces de mes passages un peu partout et une large partie de ma vie est accessible depuis internet.

Mais cet article n'est pas là pour disserter de l'interconnexion de toutes les informations et de la disparition de l'intimité, même s'il y a beaucoup à dire sur le sujet. Il est minuit moins dix et je n'ai pas fini de vous raconter ma journée.

L'après-midi, pour varier les plaisirs, j'ai accompagné Molly au Young Monthers Shelter, qui, comme son nom ne l'indique pas aux anglophobes, accueille les jeunes mères sans logis - les jeunes femmes enceintes aussi. Comme je commence à bien comprendre ce que les gens disent, j'ai pu découvrir le fonctionnement du centre et, vraiment, C.H. fait "a great job". On a interviewé (enfin j'ai porté le trépied et j'ai noté le nom des gens sur un carnet...) plusieurs personnes du centre, les nurses, l'assistante sociale, deux jeunes filles qui se sont fait jeter à la rue par leurs parents. Déjà qu'être SDF n'a rien de drôle, découvrir qu'on attend un bébé quand on dort sous des cartons... je ne peux même pas imaginer la détresse dans laquelle ces filles ont dû se trouver.

Ce qui est surprenant, c'est que tous les gens recueillis par C.H. disent la même chose : "je n'avais jamais entendu parler d'eux avant". A chaque fois, c'est par hasard ou sur un coup de chance qu'ils ont trouvé ces foyers. Alors que C.H. aide 30 000 personnes chaque année ! Personne ici ne connaît cette association, aucun New-Yorkais n'a encore réagi quand j'ai dit où je faisais mon stage (alors que c'est à NYC que le premier foyer a été fondé). Personne ne sait qu'ils existent ! Molly est effarée d'ailleurs de voir à quel point on ne parle pas d'eux et elle a bien l'intention de changer les choses. Ce stage va vraiment être passionnant parce que tout est à faire.

Ce stage est tellement passionnant qu'une fois rentrée au siège - avec soulagement, parce que, vraiment, même des enfants qui ont échappé au pire début de vie imaginable, ça reste des enfants et le besoin de s'extasier devant chaque trépignement narcissique de ces petits êtres reste encore un mystère pour la méchante fille sans instinct maternel que je suis - je me suis remise à scruter les alertes Google (franchement, j'adore faire ça !) et quand j'ai relevé la tête à 17h30, tout le monde était parti depuis fort longtemps.

Et puis ce soir, ma logeuse m'a fait visiter son autre appartement, qui est juste 4 blocks + au nord. Franchement, je trouve celui où je suis en ce moment beaucoup mieux meublé et beaucoup + agréable à vivre parce qu'il est comme neuf. Mais l'autre a beaucoup d'avantages : entre autres des colocs qui parlent anglais, la possibilité de faire venir qui je veux quand je veux et une télé - bon, ça, c'est pas très important, mais ça peut pas me faire de mal de regarder un peu CNN. Donc même si j'aime mieux ma chambre actuelle, je crois que je vais bouger. J'espère juste que le débit internet sera + fort qu'ici, mais il y a plutôt des chances pour qu'il le soit encore moins. Autre petit bémol : le four de la cuisinière ne fonctionne pas, donc il faut utiliser un four miniature à côté de l'évier. La cuisine est beaucoup moins bien que celle d'ici, moins bien équipée, mais par contre j'aurai un endroit perso où je mets toutes mes affaires et que personne ne touche.

Ici je n'en ai pas parlé, mais j'ai eu tendance à souvent (tout le temps ?) me plaindre de la fille de ma logeuse auprès de... tout le monde. Eh ben depuis 2 jours on se parle davantage et je la trouve vraiment marrante en fait. C'est une vraie gamine américaine, un pur produit de Harlem, elle a peur de rien, elle trouve que sa mère est "crazzy" parce qu'elle s'affole si elle rentre à 2h du matin, elle grommelle quand il n'y a plus de réserves suffisantes de "junk food" dans le frigo, elle adore me montrer les posters de ses chanteuses préférées en me détaillant toutes les opérations chirurgicales qu'elles ont subies ou venir toquer à ma porte pour me demander comment apprendre à faire le grand écart. Tiens, juste quand je vous parle d'elle, elle vient me donner des conseils pour mon déménagement (d'après elle je ferais mieux de bouger le matin et pas le soir parce qu'au moins il n'y aura personne dehors). Je crois qu'elle commence à bien m'aimer, et surtout je crois que moi, je commence à bien l'aimer. Shit! elle va finir par me manquer si je continue à m'attendrir.

Demain, Molly va me laisser me débrouiller avec la caméra, un câble et un Mac pour... à vrai dire, je n'ai pas compris ce qu'elle veut me faire faire, mais elle m'a dit "tu auras le reste de la semaine pour le faire, peut-être que tu n'y arriveras pas mais je veux voir si tu y arrives" donc j'ai bien l'intention d'y arriver et pour ça il faut dormir, donc hop, au lit les libellules en papier craft.