vendredi 22 avril 2011

Ohlala n°214 (Ohlala n°214 (W*k*leaks, cableg*te, d*plomacy and other buzz*ng keywords))

Ce soir je me suis enfin mise sérieusement à préparer le dossier et je me suis donné pour objectif de l'avoir terminé samedi soir. Après tout, on connaît d'autres gens qui ont préparé leur dossier en 48h et que ça n'a pas empêché d'être reçu dans le master super sélectif qu'ils visaient. Ceux qui savent de quoi je parle suivront mon regard dubitatif. Les autres devraient deviner.

L'une des questions porte sur W*k*leaks et l'imp*ct de la révélation des câbl*s d*plomat*ques amér*ca*ns sur la d*plomat*e et le journal*sme.
On me demande de donner mon avis en anglais et en 2500 caractères, je vais donc vous en parler en français sans limite de temps ni d'espace. Logique.

Pour être honnête, W*kileaks me laisse plutôt de marbre. D'ailleurs j'ai mis un bon moment à apprendre que ce site existait. Comme pas mal de monde, j'ai entendu parler des infos révélées au cours des années précédentes (preuve de la subtilité de l'armée de l'air américaine en Irak, dossier d'instruction de l'affaire Dutroux, documents sur la guerre en Afghanistan...) mais je ne savais pas qu'elles venaient de là. Quant au super cablegate de la mort qui tue, il a débuté pile quand j'ai recommencé à m'intéresser à l'actualité, en novembre dernier, après quelques mois de léthargie intellectuelle, résultat j'ai suivi l'affaire mais en me demandant un peu pourquoi tout le monde s'excitait autant d'un coup là-dessus.

Et avec le recul, j'ai toujours un peu de mal à saisir.
Entre ceux qui hurlent à l'acte terroriste et ceux qui y voient l'avènement de l'aire de la transparence totale, je me demande lesquels sont les plus à côté de la plaque.

On apprend en lisant ces câbles d*plomatiques (qu'on est loin de tous connaître, rappelons qu'il y en a 250 000 et qu'ils sont progressivement épluchés et rendus lisibles pour le grand public) qu'en fait des fois les Américains disent des trucs pas gentils sur les autres pays. Incroyable. Jamais on ne l'aurait soupçonné. On apprend que les négociations entre pays ne sont pas toutes rendues publiques. Que des gens sont corrompus à travers le monde. Vraiment, tout cela est tout à fait sidérant et la jolie citadelle bisounoursienne que j'avais en tête à propos des grands de ce monde s'effondre avec fracas. On notera au passage qu'on n'a pas encore trouvé la preuve du grand complot judéo-maçonnique pour faire croire qu'il y a eu un attentat le 11 Septembre et prendre la tête du monde, c'est ultra-décevant en fait toute cette histoire.

Bon, quand on va chercher dans les détails, on apprend effectivement des choses. Mais justement. Ce sont des détails. Dans les grandes lignes, que la diplomatie est faite de tractations plus ou moins avouables et que les diplomates ont un avis sur les gens avec qui ils travaillent, c'est une surprise de taille modeste.

Par contre révéler le nom de gens qui travaillent avec les Etats-Unis dans des endroits où ça n'est pas très bien vu, c'est pas très cool.

Pourtant, l'idée d'avoir accès à des informations qui sont gardées secrètes parce qu'elles sont pas jolies jolies, j'ai tendance à y être favorable. Ma réserve vient seulement du fait que la transparence totale n'est pas souhaitable, à mon avis. Absolument toujours tout dire, ça n'est tout simplement pas possible. Il faut faire des compromis dans la vie, accepter de se plier à des contraintes et de respecter les attentes de l'autre, c'est un peu la base des relations humaines de ne pas être en permanence d'une franchise absolue. Tout simplement parce que ça devient invivable, parce que la vérité crue peut faire bien plus mal que quelques non-dits. Ce n'est pas forcément être hypocrite, c'est garder pour soi certaines informations parce que si on savait tout le temps tout sur tout ça deviendrait impossible de prendre des décisions.

C'est un peu comme Mark Zuckerberg qui pense que sur internet, on devrait tout le temps tout signer de son vrai nom. Eh ben non. On a le droit de faire des trucs sans avoir envie de l'assumer devant tout le monde, on a tous une partie de notre vie qui ne regarde que nous et il n'est pas souhaitable que ça change, sinon la vie va se transformer en vaste émission de C'est mon choix et ça fait peur.

Le problème c'est finalement de trouver la frontière entre ce qu'on dit et ce qu'on ne dit pas. Avec W*kileaks, la frontière est fortement ébranlée et on pourrait se dire que c'est tant mieux. Oui, sauf que la réaction risque d'être l'exact inverse de ce qu'on pourrait espérer. En forçant à la transparence totale, on va juste assister à un repli. Les gens seront plus réticents à donner leur avis puisque tout risquera de devenir public. En utilisant la force, on convainc rarement ses adversaires du bien fondé de sa position. Clairement, on ne va pas assister à une explosion de confidences sur les tractations secrètes entre pays. Au contraire. Il va devenir beaucoup plus difficile d'obtenir des informations franches. On se méfiera davantage les uns des autres puisque les fuites sont venues non pas de gens qui pirataient les systèmes, mais de gens qui y avaient accès parce qu'ils faisaient partie de ce système.

Et puisque les grands journaux ont largement participé aux révélations (Le Monde, Le New York Times, Der Spiegel, The Guardian...), le travail des journalistes en sera probablement compliqué. Les infos se faisant plus rares, il y aura encore plus de compétition entre les rédactions, encore plus de pression sur les journalistes pour obtenir des petites phrases qui font le buzz, encore moins de temps pour faire les choses de façon sérieuse et originale.

Mais au-delà des petits tracas immédiats et à moyen terme pour les services diplomatiques, W*kileaks est l'illustration d'une tendance de fond : la volonté de monsieur et madame tout-le-monde de savoir ce qui se passe sur Terre et de jouer un rôle dans les évènements mondiaux. C'est quelque chose qui prend de plus en plus d'importance et si l'envie n'est pas nouvelle, on nous répète en tout cas de plus en plus que c'est désormais possible. D'un clic on rejoint un groupe Facebook et on a l'impression que ça va "avoir un poids". On signe des pétitions en ligne. On retweete une nouvelle sur Twitter. De parfaits inconnus voient leurs photos et leurs vidéos se propager partout à travers le monde dès qu'ils sont témoins d'un truc un peu spectaculaire. Et surtout, on accorde de plus en plus d'importance à l'opinion des individus face à la parole officielle des institutions. On note les produits, on laisse des commentaires sur le site de notre magasin préféré, on préfère interviewer un blogueur libyen plutôt qu'un diplomate.

C'est à la fois un signe de très grand narcissisme et de nouvelles attentes plus exigeantes de la part de beaucoup de gens qui ne se satisfont plus de la superficialité voire du mépris avec lequel on traite parfois l'information destinée au plus grand nombre.

Alors quatre mois après le cablegate, il est évidemment beaucoup trop tôt pour tirer le moindre enseignement  sur le véritable impact de W*kileaks sur la d*plomatie, le journal*sme et la façon dont fonctionne le monde. Mais l'idée que les actions et tractations de ceux qui détiennent le pouvoir ne resteront pas forcément toujours secrètes fait doucement son chemin, pour le meilleur et pour le pire. Les véritables conclusions seront tirées dans quelques décennies par les historiens qui seront drôlement contents d'avoir autant de documents à disposition.

2 commentaires:

  1. Un qui ne donne jamais son nom (pardon, Mark!)22 avril 2011 à 17:35

    Tout à fait d'accord avec toi (ce qui, comme tu le sais, n'est pas toujours le cas !) C'est pas parce qu'on a vécu pendant 18 ans sous le même toi qu' on doit être d'accord sur tout ! D'ailleurs, ce qui est étonnant, après avoir vécu 18 ans sous le même toit, c'est qu'on puisse être encore d'accord sur pas mal de choses, non ? !!!...

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  2. Le rectificateur d'orthographe et de lapsus22 avril 2011 à 17:38

    Sous le même "toit", bien sûr et pas "toi" !

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