mercredi 20 avril 2011

Ohlala n°212 (Being French)

Soirée au Grainne Café pour l'anniversaire de FZ.
Rencontre de deux autres étudiants. J'allais écrire français, mais ils n'ont pas la nationalité française. Peu importe.

Qu'est-ce que c'est, être français ?

C'est étrange parce qu'on sent que ça veut dire quelque chose, "être français", on a le sentiment de pouvoir dire "ça c'est français" ou "ça c'est vraiment pas un truc qu'un Français ferait".
Mais allez trouver une définition.

On a longuement débattu de la nouvelle loi contre le niqab. Enfin contre le visage masqué en public, comme on dit. J'étais la seule Française du groupe et j'étais la seule à être contre cette loi. La discussion était vraiment très intéressante. J'adore pouvoir discuter longuement d'un sujet avec des gens qui n'ont pas le même avis, échanger des idées, nuancer les propos quand chacun reconnaît la cohérence de l'avis contraire. Avoir le même argument pour arriver à la conclusion inverse. Tout en mangeant une crêpe au fromage de chèvre (et si c'était ça, "être français" ? =D).

De tout ça, il ressort que la question "pour ou contre le niqab" n'est pas la véritable question, puisque tout le monde est d'accord pour dire que ça handicape plus que ça n'apporte de choses positives dans la vie d'une femme, même quand elle fait (ou pense faire) ce choix librement.

LP a fait remarquer très justement que cette loi ne crée pas d'intolérance en soi, elle ne fait que refléter l'évolution actuelle des mentalités. Ceci dit, entériner à l'aide d'une loi un mouvement de repli, de rejet de la différence, de peur face à l'évolution (très surestimée) de la société (la fameuse "islamisation" de notre pays), tout ça pour des raisons de calculs politiques, ça ne me semble pas bon signe.

Disons que le fait, en soi, d'affirmer que la France est un pays où l'on ne tolère pas l'extrémisme religieux, c'est très bien. Le faire en visant une pratique minoritaire, en facilitant l'amalgame avec l'ensemble des croyants à l'aide d'un "débat national" et en interdisant quelque chose qui est loin d'être la seule et intangible expression d'un extrémisme, c'est beaucoup plus bancal comme raisonnement.

Pendant ce temps, la France reste "la fille aînée de l'Eglise" pour François Baroin. Joli dérapage contrôlé, encore un. Dire que les Français ont un gros problème avec la religion et qu'ils ont tout simplement peur d'en parler et surtout de reconnaître que le catholicisme a profondément marqué notre pays, c'est vrai et c'est bien dommage. Pendant le repas, s'il y a bien une chose à propos de laquelle on était d'accord, c'est que les Français ont tendance à se montrer très hypocritement politiquement correct. Cependant, alors qu'on est en plein "débat" sur la laïcité, utiliser l'expression favorite de ceux qui s'opposaient à la séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1905, c'est "maladroit" dirons-nous. Et depuis plusieurs semaines, le gouvernement excelle en habiles maladresses.

Tout ça crée un climat que je n'aime pas. Peut-être que l'éloignement et le fait que je ne m'informe qu'en lisant certains journaux et pas en parlant vraiment avec les gens qui vivent actuellement en France fausse mon impression. Mais je ne peux pas m'empêcher de penser que si on pousse la logique, rien qu'un tout petit peu plus loin, on en arrive à une interdiction du voile, tout simplement. Après tout, dans les établissements scolaires, il est déjà interdit. Et on nous répète que de pauvres femmes sans défense sont obligées de le porter par leurs méchants grands frères. Certes, il y a des femmes qui le portent parce que c'est leur choix. Mais cet argument n'était pas valable pour celles qui portent le niqab alors, après tout, dans quelques mois, pourquoi le serait-il encore pour celles qui font pareil à quelques centimètres carrés de tissu près ?

Même sans aller jusque-là, cette loi vient conforter pas mal de préjugés. Une journaliste allemande qui a porté le niqab dans Paris pour se faire une idée de l'application de la nouvelle loi a finalement été davantage confrontée à un rejet de la part de certains passants qu'à des ennuis venant des forces de l'ordre. Mais surtout, et c'est ça, ce qui est vraiment grave dans cette histoire, en affirmant que le niqab n'est "pas le bienvenu" en France, on sous-entend quelque chose d'autre que la volonté de lutter contre l'oppression des femmes. Ce qu'on sous-entend, c'est "porter le niqab n'est pas une pratique française, ce sont des étrangers qui ont introduit ça en France et celles qui le portent ne sont pas tout à fait Françaises". De là à considérer que les musulmans ne sont pas autant français que les autres citoyens, il y a un petit fossé facilement franchi par pas mal de gens.

On en revient donc à "qu'est-ce que c'est, être français ?".
Eh bien ce soir, je n'ai toujours pas la réponse.
Mais j'ai tendance à croire que c'est dans notre culture de se faire peur avec des préjugés qui finissent par passer une fois qu'on a trouvé quelque chose d'autre à craindre.
Et que même si la progression n'est pas linéaire, on reste un peuple qui finit tout le temps par absorber les nouveaux éléments pour devenir une nouvelle tambouille.
Pourvu que ça dure... inchallah !

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