mercredi 11 mai 2011

Ohlala n°227 (Island is the new black)

Depuis que j'ai dit que je suis passée par l'Islande pour rentrer en France, tout le monde s'extasie sur ce pays comme si c'était un pays trop génial que tout le monde veut voir.
Faudrait savoir, y a quelques mois c'étaient les Etats-Unis "haaaan c'est mon rêve d'aller à New Yooork ! Tu m'emmènes dans ta valise ?". Vous voulez aller partout où je vais en fait, c'est ça ?

En fait j'y suis passée mais pas vraiment, ce fut une relation brève mais intense - une heure de crapahutage dans LE terminal de LE aéroport islandais.
Force est de constater que si on ferme les yeux sur les conditions climatiques, ce pays a l'air très cool à visiter. Conditions climatiques qui ne me semblent ceci dit guère plus mauvaises que celles de l'Ecosse - dans l'avion ils prétendaient que la température maximale moyenne en juillet c'est 14°C, en me fondant sur mes préjugés j'aurais divisé le nombre par 7 donc d'un coup ça me semble un endroit riant au climat doux. On pourrait aussi dire "océanique". J'aime bien cette expression, "climat océanique", c'est une jolie litote pour "gros temps de merde, pluie 6 jours sur 7".

Vous déduisez des lignes précédentes que j'ai réussi à choper mon vol new-yorkais hier et que je suis RENTREE EN FRAAAAANCE ! Ce soir, j'ai mangé du fromage.
Joie. Allégresse. Tout ça.

C'est super bizarre de rentrer en France.
En fait j'ai l'impression d'être en vacances.
Pas vacances dans le sens "ayé j'ai plus de travail avant septembre", parce que ça c'est pas une impression c'est la REALITE uhuhuh.
Mais là je parle de vacances dans le sens "je prends un avion, je viens voir mes parents et RJF, on rigole bien et puis j'y retourne".
Je regarde ma valise et je me dis "putain, en fait là c'est pour de vrai, je suis rentrée, la 3A est finie, je retourne plus à New York, je peux rester en France ce coup-là". Et ça pourrait me rendre toute chose. Mais ça me rend juste euphorique.

Alors que l'avion dépassait les côtes anglaises et que le pilote annonçait avec un accent islandais rigolo qu'on atterrirait 30 minutes + tard (ouais, on était au-dessus de l'Angleterre et 30 minutes après pouf on était posés à Paris, j'arrive toujours pas à y croire), je me suis mise à fixer la Manche (pour les gens qui se demanderaient pourquoi je fixe mes vêtements, sachez que c'est le nom de l'eau entre l'Angleterre et la France, en fait) et un étrange sentiment de possessivité m'a envahie. Je me suis mise à songer "c'est chez moi, c'est la mer qui touche mon pays, et là c'est la côté de mon pays, et là c'est les champs de mon pays, c'est beau, il est beau mon pays, oh on voit des camions tout petits qui roulent sur les routes, c'est les routes de mon pays, putain c'est beau !".

Tout me semble empreint d'un charme typiquement français, j'ai l'impression de regarder les bâtiments comme une touriste qui apprécie le style architectural (oui même celui de la zone commerciale à côté de chez mes parents) et en même temps chaque chose semble chantonner "Oui je fais partie de ton identité, chacun de mes atomes est une partie de toi". Non, les bâtiments ne font pas de rimes, mais déjà ils chantent, je trouve que c'est impressionnant, vous êtes un peu durs.

Ceci dit, le retour n'a pas été super marrant. Enfin d'un point de vue interne. De loin ça devait être hilarant.
Je transportais une valise de 24kg - à roulettes, certes, mais avec une poignée rectangulaire... que l'homme qui a songé à faire une poignée rectangulaire se dénonce puis saute d'une falaise, pourquoi pas incorporer des lames de rasoir et l'enrober de fil barbelé ?
Mais je transportais aussi un "bagage à main" d'une bonne quinzaine de kilos (estimation à la douleur de mes courbatures des membres supérieurs ce soir).
Et puis mon "sac à main" qui est loin d'être un sac à préservatif (vous savez les pochettes de 2cm sur 4 que certaines filles portent autour de l'épaule comme si c'étaient des sacs et comme si ça pouvait contenir autre chose que l'article susmentionné) et ce gros sac ne pouvait tout simplement plus fermer.
Et aussi un parapluie géant qui ne logeait pas dans ma valise.

Donc en gros c'est comme si je me déplaçais avec l'équivalent du poids de moi-même réparti dans plusieurs endroits du corps - des endroits qui font mal quand on appuie beaucoup dessus, comme toute partie du corps en fait, par exemple les épaules.

Ce qui est cocasse quand vous vous déplacez avec 4 bagages, c'est que la nature ne vous a doté que de deux bras (voire moins si vous n'êtes pas très chanceux). Donc vous trouvez de subtils subterfuges d'empilement de choses et ça se casse subtilement la gueule régulièrement. Disons qu'après avoir descendu les deux étages de mon building, j'étais déjà à bout de forces - surtout que je portais un gilet en cachemire et mon manteau d'hiver parce que plus de place pour les caser dans les bagages et évidemment c'est ce jour-là qu'il s'est mis à faire 25°C.

Mais le meilleur épisode, c'était à l'aéroport Charles de Gaulle. Quand j'ai pris un escalator. Et que j'ai commis L'ERREUR.

J'ai fait passer ma grosse valise à roulette AVANT moi. Donc elle s'est retrouvée une marche + haute que moi. Pas très pratique de l'incliner délicatement et de la pousser vers l'avant quand on a le nez au niveau des roulettes (j'exagère si je veux, c'est pour un effet de dramatisation de la situation). D'autant moins facile que j'avais un sac de 15kg qui me défonçait l'épaule du bras qui tentait le combo inclinaison+poussée.

Evidemment, les roulettes de la valise se sont bloquées dans le tapis roulant.
Si tu te trouves DEVANT ta valise, si les roulettes se bloquent, dans un joli effet de balancier tu peux déporter ton poids dans le sens inverse de la valise et la tirer d'un coup sec pour la débloquer.
Mais si tu es derrière et que des sacs cisaillent chacune de tes épaules, tu ne peux pas te pencher en sens inverse et effectuer une poussée, parce que ça ferait des dominos avec tous les gens derrière toi. Ce qui n'est pas très gentil. Marrant hein. Mais pas gentil. Donc on fait pas.

MAIS ALORS QUE S'EST-IL PASSE ?

Eh ben les roulettes ont continué de bloquer. Et j'étais sur la marche juste derrière donc je suis arrivée plutôt vite au point de blocage. Dans ce genre de situation, il y a des gens qui savent tout de suite ce qu'il faudrait faire. Et puis il y a des gens qui ne savent pas. Je vais vous dire ce que j'ai fait et puis vous me rangerez dans la catégorie appropriée.

J'ai dit "oh non je suis désolée".

Voilà.
En fait je suis la fille qui, le jour où on lui dit "attention, un piano est en train de tomber par cette fenêtre et tu te trouves juste en-dessous, reste immobile et dit "c'est trop bête de mourir comme ça".

Etrangement, mon action n'a pas suffit à résoudre le problème et l'escalator a continué d'escalater. Donc mes pieds ont buté dans la valise, qui a refusé de bouger. Donc le tapis a glissé sous mes pieds bloqués par la valise bloquée. Donc j'ai été déséquilibrée et je suis tombée sur la valise, entraînée par mes deux sacs d'épaule et mon parapluie-bâton magique sans pouvoir. Là je me suis dit qu'il était temps d'agir avec mes muscles inférieurs, parce que mes muscles faciaux étaient impuissants. Donc avant de m'écraser tel un excrément qui tombe de haut, j'ai soulevé un peton et j'ai fait un grand pas en avant pour enjamber la valise. Bon, ça n'a pas trop marché parce que j'étais déjà inclinée à 45° et ma valise fait un mètre de haut mais en m'appuyant aussi un peu avec mes mains j'ai atteint le sol de l'autre côté de la valise farceuse.

Toi aussi, joue à saute-mouton avec ta valise quand il y a des gens derrière sur l'escalator.

EUH.
Des gens derrière ?
Han ben oui dis donc !
C'est donc de leurs bouches qu'émanent ces petits cris !
Les gens ont commencé à faire comme moi mais avec moins de réactivité, c'est-à-dire qu'ils s'entassaient derrière la valise-pute en vacillant et en émettant des sons surpris.
C'est fou, en fait, moi qui adore imaginer des scénarios catastrophe ou "ce qui se passe quand ce truc déconne", j'avais jamais songé au coup de l'élément perturbateur en haut de l'escalator. Et visiblement, les gens qui étaient derrière moi non plus, ou alors ils n'avaient pas trouvé de solution au problème lors de leur réflexion.

Je vous raconte tout ça au ralenti donc vous devez avoir l'impression que ça dure des heures mais en fait depuis le "oh non désolée" il n'y a que 4 marches qui ont atteint le bout de l'escalator. C'est encore un effet de style, appelons-le un ralenti, c'est un peu comme au ciné dans les films d'action vois-tu, pour mieux laisser le spectateur juger du caractère dramatique de la scène.

N'écoutant que mon courage - et libérée des deux brassards qui avaient fui en glissant sournoisement le long de mes bras puis sur le sol - j'ai fait volte-face pour affronter cette connasse de valise, je l'ai chopée par la poignée, je l'ai tirée de toutes mes frêles forces en poussant un cri de défense jusqu'à ce qu'elle cède - non sans meurtrir mes phalanges avec son attaque de la poignée rectangulaire.
Pour info, le cri de défense, c'était "OHLALA JE SUIS DESOLEE JE SUIS DESOLEE"

Voilà, j'avais vaincu.
Entre temps une dame était à moitié tombée sur ma valise et puis derrière ça chahutait ferme, d'autant que les gens vraiment derrière ne pouvaient pas voir ce qu'il se passait en haut puisqu'ils étaient trop bas, ils entendaient juste des cris. J'espère qu'ils ont cru qu'il y avait une attaque terroriste ou un autre truc marrant du genre.

Ensuite le flux en haut de l'escalator est rapidement redevenu fluide et il n'y avait plus trace de l'évènement, mis à part mes effets personnels éparpillés au sol. Les gens qui arrivaient en haut de l'escalator regardaient mes valises avec un air étonné, comme quand on essaie de voir s'il y a des blessés en passant près d'un accident de voiture - fin moi je regarde jamais mais je suis sûre que vous le faites, bande de badauds).

Finalement, j'ai remis tous mes bagages à leur place inconfortable sur mon corps et j'ai continué mon chemin jusqu'à la gare SNCF.

Ce soir, j'ai mal aux bras, aux jambes (je ressemble à un cosmonaute sur la Lune quand j'essaie de marcher), aux épaules, au dos, aux orteils, aux articulations des doigts et j'ai des bleus partout sur les jambes.

Mais je suis en France. Avec mes parents. Et les chats. Et du fromage.

4 commentaires:

  1. ahahahahahahah je vais mettre toute la nuit à me remettre de la lecture de cet article.
    Le seul truc qui m'intéresse maintenant c'est de récupérer la vidéo de la caméra de sécurité :)

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  2. Je dois avouer que je me suis faite rire aussi en le relisant. Et il n'y a pas de caméras de sécurité. Ceci n'existe pas. Ceci n'a jamais existé. Et de toute façon elles sont pas vraiment branchées à un système d'enregistrement. Donc OUBLIE CA.

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  3. Mais quel suspense !!!! De la grande narration ! (je sais pas si c'est comme ça qu'on dit, mais c'est comme ça que dit mon cerveau d'illittéraire) (non pas illétrée)

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  4. Le criminel qui a laissé sa fille seule à Roissy15 mai 2011 à 16:36

    Ben, on en apprend toujours en lisant ton blog, mais je comprends que tu aies attendu d'être le clavier au bout des phalanges pour nous raconter ça car à l'oral, ça aurait eu beaucoup moins de classe et de style ! Là on a une décomposition du mouvement seconde par seconde avec quasiment un arrêt sur image ! La prochaine fois j'irai te chercher directement à Roissy ! Quand je pense que tu as failli être avalée par un tapis roulant comme un vulgaire Jonas, j'en ai froid dans le dos ! Et là, c'était plutôt ta valise qui jouait le rôle de la baleine ! Tu l'as échappé belle !

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