dimanche 20 février 2011

Ohlala n°163 (Twitter and the Arab World)

Depuis que je suis à ScPo, j'ai paradoxalement perdu l'habitude de me tenir au courant de l'actualité.
Avant de vivre seule, je regardais le JT de 20h sur France 2 tous les soirs. En terminale j'ai même tenté de lire Le Monde - avec une irrégularité peu productive.
Le seul journal auquel je sois restée fidèle, c'est Courrier International, même si l'an dernier je n'en ai pas ouvert beaucoup. Cette année, je suis devenue "fan" de leur page Facebook et ils y publient leurs articles, si bien que je me suis remise à lire le journal en ligne pendant que Le Frère le reçoit à Paris. Je ne sais pas s'il existe un abonnement uniquement pour internet, si c'est le cas c'est ce que je choisirai l'an prochain.

Moins je regardais le JT et + je le trouvais imprécis voir mensonger par faute de raccourcis.

Depuis quelques semaines, c'est le Petit Journal de Yann Barthès qui me tient au courant de l'actualité. Oui ce n'est pas vraiment une source académique. Mais au moins je le regarde tous les jours, ce que je ne ferais jamais avec un "vrai" JT.

Et puis il y a Twitter.
Twitter, c'est l'endroit où tout le monde peut dire tout ce qu'il veut.
Un peu comme Wikipédia, sauf qu'en fait sur Wikipédia il y a des règles et des gens qui peuvent repasser derrière vous et effacer vos conneries.
Twitter c'est un peu comme si on mettait en place un téléphone rouge dans toutes les loges de concierges du monde. Avec des écrans géants qui retranscrivent les conversations dans les stades de foot.

Il y a 3 jours, des petits malins ont publié une fausse nouvelle sur un site qui autorise les contributions des internautes. En quelques heures, tout le monde était au courant que Jean Dujardin était mort. Sauf qu'il ne l'était pas. Et l'info a essentiellement tourné grâce à Twitter. Le lendemain, quelqu'un a créé un faux compte Twitter avec presque le même nom que celui du site qui avait publié l'info et a annoncé la fermeture prochaine de ce site.
Et hop, à nouveau en quelques heures, alors même que tout le monde était au courant que la rumeur de la veille était fausse, ils ont relayé cette nouvelle "info".

Donc Twitter ne semble pas vraiment le bon endroit pour s'informer.
Mais en même temps, Twitter m'a permis de suivre l'évolution de la révolution égyptienne presque en temps réel. Il s'agit de découvrir qui est réellement informé. Télérama a recommandé qu'on suive son journaliste sur place, Nicolas Delesalle, lequel a lui même conseillé de suivre Gsquare86, qui a passé 18 jours place Tahrir et racontait régulièrement ce qu'il s'y passait.

Aujourd'hui j'ai commencé à suivre un journaliste du New York Times, Nicholas Kristol, qui est actuellement à Bahrein. Le pouvoir commence à faiblir.

Et puis bien sûr, il y en a qui continuent de tweeter n'importe quoi. Comme LesNews.
Qui ont commencé par annoncer que Ben Ali serait peut-être mort et qu'ils allaient se renseigner pour vérifier leurs sources. Bravo la rigueur journalistique.
Et puis ils ont écrit : "Véritable génocide en cours : 700 blessés suite aux tirs des forces de l'ordres à Benghazi en Libye."

Oh really ?

Un génocide, rien que ça.
Est-ce qu'on ne confondrait pas "meurtre massif dans un pays d'Afrique" et "génocide" par hasard ?
Passons sur un premier détail, qui est le suffixe -cide, qui indique la mort. 700 blessés, c'est certes révoltant et ça signifie probablement plusieurs morts. Mais donc déjà, ils parlent de génocide pour des blessés. Soit.

Rappelons ce qu'est un génocide.
Selon l'ONU.
"Le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux."
Autrement dit les meurtres sont planifiés. Ce qui n'est pas le cas en Libye où ils sont la réponse aux manifestations. Mais l'incohérence ne s'arrête pas là.
Je leur ai fait remarquer que les Libyens n'étaient pas tués en raison de leur nationalité et qu'un Tunisien s'il se trouvait parmi les manifestants serait tué également.
Que me répondent LesNews ? Que le "groupe national" c'est "d'être Libyen et de manifester". Hum. Bah non justement. Un groupe national c'est le fait d'avoir une certaine nationalité. Pas de manifester. Et ils ajoutent "et puis un Tunisien n'a aucune raison de manifester en Libye". Argument de poids. C'est bon les mecs, rentrez chez vous, arrêtez de dire que vous souvenez cette révolte puisqu'on vous dit que vous n'y avez aucun intérêt.

Je leur fait remarquer que les Libyens qui ne manifestent pas ne sont pas tués. Et que la raison des meurtres c'est donc le fait de manifester, pas d'être Libyen.
Et là, rions tous ensemble, ils me répondent "la demo est plus simple : un dictateur tue des dizaines de manifestants qui ont pour but commun plus de démocratie". Très belle analyse de la situation. Qui ne rentre pas du tout dans la définition de "génocide" indiquée + haut (et qu'ils m'ont eux-mêmes fournie en appui de leurs affirmations). C'est original de se mettre à défendre la position de son adversaire dans un débat.

Petite réponse de ma part pour les remercier de faire caca dans le panier pour se le mettre sur la tête ensuite.

Et voilà qu'ils me répondent - je pense que c'est la meilleure de leurs réponses - "Eh non c'est justement le contraire : Génocide s'applique complètement à la situation actuelle comme a pu l'être la boucherie au Rwanda". Ooooh ! Joli ! Très jolie démonstration de méconnaissance totale de ce qu'est une définition et de ce qui s'est passé au Rwanda. Comparer un massacre ethnique planifié à la répression d'une manifestation, il fallait oser. Si on va par là, Francis Heaulmes a commis un génocide puisqu'il n'a tué que des Français.

J'ai laissé tomber, j'ai compris que ça n'était pas par messages de 140 caractères que j'allais faire comprendre à ces "journalistes" que certains mots ont une définition précise. D'ailleurs quand je leur ai dit que j'abandonnais parce qu'ils refusaient de comprendre, ils m'ont répondu "tu as ta vision et ce n'est pas forcément la notre, on demande juste de pouvoir penser comme on le souhaite".
Même en oubliant la faute de français de leur réponse, elle reste désespérante. Revendiquer la liberté de penser dans ce cas, c'est dire "bon allez, on n'est pas d'accord sur la définition d'un mot, c'est pas grave, on n'a qu'à dire que y a deux définitions !". Han ben oui.

Sur ce, je revendique de pouvoir penser que les poules sont des poissons et que New York se trouve à 10km de Bagdad et je vais passer la nuit en Irak.

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