Deuxième partie du récit de la veille :
Retour à New York donc après avoir passé la nuit à Washington. Là-bas le métro a la bonne idée d'être toujours souterrain, donc il ne subit pas d'importants retards comme à New York. Ceci dit il a la mauvaise idée de fermer la nuit et certains jours fériés - on s'habitue vite au luxe, même quand il fait + de bruit qu'un avion et qu'il pue.
On notera également un autre point intéressant à New York : la neige ressemble à de la vraie neige et il y en a beaucoup. A Washington, la neige est dégueu, ne tient pas, s'entasse en fondant à moitié si bien que vous pouvez toujours rêver pour batifoler dans la poudreuse, à Washington la neige c'est tout de suite de la bouillasse grise qui fait floc floc.
En fait c'était de la glace à moitié déjà fondue qui tombait du ciel et en 15 minutes mon sac il ressemblait à ça :
Alors qu'à New York, c'était super joli, regardez un peu :
34th Street vs Central Park
C'était le parfait cliché new-yorkais qu'on m'avait vanté : les enfants d'Upper West Side qui sautillent dans la neige et fabriquent des bonhommes...
... les écureuils qui batifolent...
... les ados de l'Upper East Side qui viennent aussi faire un bonhomme mais qui voient les choses en + grand, comme le salaire de Papa East vs Papa West...
... et malgré tout l'impression d'immensité, de calme et d'harmonie reste, amplifiée par le combo Central Park + neige.
Oh le petit con. Si j'avais grandi à New York, c'est moi qui aurais été à sa place et Le Frère en-dessous. Et je me serais faite engueulée mais je m'en fous, c'est vraiment trop bon de faire chier Le Frère.
J'arrive toujours pas à trouver ça normal, ces tours qui apparaissent dans le fond, on dirait un photomontage.
Bon l'idéal serait de retailler les photos, parce que là par exemple on voit rien, alors que le + mignon bonhomme de neige de Central Park se cache dans cette image (on peut cliquer pour agrandir).
En fait le truc génial avec Central Park, c'est qu'il y a des vraies collines. Là on s'en rend à peine compte, mais y a des endroits où tu finis vraiment essoufflé quand t'arrives en haut.
Un bien joli tas de neige dans une rue de l'Upper East Side.
Et pour finir, ma brave petite Lefferts Avenue dans Brooklyn.
En tout j'ai passé plus de deux heures dans la neige sans jamais souffrir du froid. Comme quoi comme dit Alexandra en citant les Norvégiens : "il n'y a pas de mauvais temps, il n'y a que de mauvais vêtements" (jamais j'aurais pensé devenir clémente avec le froid, comme quoi la 3A ça ouvre encore + l'esprit qu'on ne pense).
Et puis le soir j'ai répondu pour la 15ème fois à une annonce Craigslist sans y croire (je trouve ça hallucinant, je sais pas, je dois dire un truc qu'il faut pas dire, en tout cas j'ai eu que deux réponses en une semaine de recherche) et tadaaaam la fille m'a enfin répondu ! Il se trouve que c'était une Française et qu'elle bossait à l'ONU donc je me suis dit ah cool enfin une piste sérieuse.
Elle me dit qu'elle fait visiter l'appart dès le soir-même, alors je lui réponds que je peux venir de suite - sinon il aurait fallu attendre samedi aprèm et les appart ça part vite à New York. Donc allez hop, même s'il fait froid et que j'ai l'impression de pas avoir dormi depuis 3 jours, je mets mon écharpe et je m'en vais prendre... le bus ou le métro ?
Soit le bus B43, qui passe au pied de chez moi et qui monte tout droit vers le Nord jusqu'à juste à côté de mon futur potentiel nouvel appart, mais qui est annoncé avec des changements de route à cause de la neige. Google Map annonce 31 minutes de trajet.
Soit le métro 3 presque jusqu'au bout puis changement pour le L et là je me tape 11 stations et j'arrive dans les parages. Google Map annonce 50 minutes de trajet.
Bon, tentons plutôt le métro, le bus c'est trop aventureux, et puis je déteste les bus.
Oh mais le B43 passe à l'instant même devant mon nez ! c'est un signe !
Je monte dedans. Et on redémarre pas. Parce que y a une voiture garée au milieu de la route. Après 5 minutes de klaxonnage intensif, on bouge. De 25 mètres. Feu rouge. Feu vert. Mais on peut pas bouger parce que les voitures avant nous de l'autre côté du carrefour on pas avancé, ça klaxonne mais ça change rien. Ah on bouge. Et puis on s'arrête à nouveau, en dépassant à moitié sur le carrefour. BON. Je suis maudite, je descends de ce bus qui avance moins vite que si j'y allais à pied et je prends le métro (au moins il m'a amenée juste en face de l'entrée du métro).
C'est un métro 4 qui arrive, je le prends quand même. Au terminus, j'attends le métro 3 qui lui continue + loin. Un métro arrive. Ah, c'est un 4. Un autre. Ah c'est un 4. Bon bon bon. J'attends que depuis 20 minutes hein ceci dit, c'est pas comme si je travaillais demain à 9h et que là il était déjà 21h45 et que je dois me taper le trajet retour ensuite.
Finalement une rame 3 se ramène et m'emmène à Junius Street.
En fait il n'y a pas de vraie connexion entre le 3 et le L. Il faut sortir du métro, marcher 2 blocks et prendre l'autre ligne. Je me demande un peu pourquoi jusqu'à ce que je découvre que le L est hautement aérien. Genre un bon petit 3 étages. Ah ben oui, forcément. Donc ok je sors du 3. Le mec qui me regarde fixement depuis 2 stations descend aussi et quand je passe à sa hauteur il dit "Beautiful".
Bravo Swan, quelle formidablement riche idée d'aller dans un quartier que tu ne connais pas, super loin de Manhattan, à 22h ! Oh mais dis-moi, est-ce que pour tout arranger tu serais pas en jupe ? Mais si ! Vraiment, tu es très adaptée à la survie de ton espèce comme fille.
Sachez qu'en semaine à 22h entre Junius Street et Lavonia Avenue, il n'y a que des hommes. Et ils se déplacent en file indienne pour pas rester seuls. Sauf les serial killers, c'est comme ça qu'on les reconnaît. Ah ben tiens justement, un gars seul qui te fixe, quand on parle du loup... En + tu t'es trompée de direction et au lieu de suivre la file indienne tu as tourné dans l'autre sens, donc maintenant tu marches toute seule dans la rue. Dans la neige. En jupe. Normal.
Et là j'arrive au pied d'un escalier en fer, heureusement que j'ai vu des gens y grimper sinon jamais de ma vie j'aurais imaginer qu'il fallait grimper sur ce truc qui ressemble fort à une passerelle entre deux miradors surplombant un champ de mines et de barbelés. Sans déconner. Si je vendais de la drogue et que je violais des chihuahuas, je choisirais exactement cet endroit pour le faire.
Finalement en courant sur une petite trentaine de marches je chope un "L train" juste avant que les portes ne se referment (elle me dit quel étage et sa voix me fait quitter la terre ferme alors les chiffres daaaansent... Hum, pardon). 11 stations + tard je suis à Montrose station, je me perds dans un agglomérat de résidences, j'hésite, je fais demi-tour, puis je me dis que si, ça doit bien être par là, dans cette rue aux façades sans fenêtres avec des poubelles qui font le dahu entre le trottoir et le caniveau. Drôlement sympa comme coin dis donc, y a pas de réverbères et tous les bâtiments ressemblent à des hangars désaffectés.
J'arrive devant le bon numéro, la cage d'escalier a les murs à nu, les marches font un bruit métallique, y a des tags partout. Je me sens revenir 4 ans + tôt quand je visitais des écoles d'arts appliqués en masse. En fait l'accès au 4ème étage est fermé à clé. Je redescends, un mec m'ouvre la porte du premier (en tirant fort dessus, voilà qui est rassurant, je sais quoi faire si j'oublie mes clés) et m'indique le chemin pour trouver l'ascenseur.
J'arrive devant le bon appart. Je frappe. La Française de l'ONU m'ouvre. Elle est sympa, très cool, elle me fait la visite, elle a l'air de bien aimer l'endroit. Bon. Bah je suis pas sûre que ce soit vraiment un coin pour moi. En fait c'est un loft. Autrement dit c'est un espace immense dans lequel des pièces ont été à peu près aménagées. La pièce principale est cool, même si la cuisine a un fort air de "bon bah on a récupéré des trucs à droite à gauche et puis on a bricolé le réseau pour les brancher". La pile d'assiettes dans l'évier est impressionnante, ça fait 6 mois que j'avais pas vu ça et le retour à la normalité est brutal. Les 4 sacs poubelles pleins à craquer à côté de la porte d'entrée, ça fait pas très clean - mais au moins c'est honnête, elle essaie pas de cacher que c'est le bordel, on visite l'appart en l'état. A moins qu'elle ait "rangé" avant ma venue. Doux Jésus je refuse de le croire.
Bon le problème c'est la chambre, elle fait 1,80m de hauteur de plafond, elle est peinte en vert pâle (mais un vert pâle de mauvais goût, pas un vert pâle romantique), elle fait moins de 10m² et la "fenêtre" ventée dans l'annonce m'évoque plutôt une meurtrière.
Un autre Français se ramène pour voir l'appart, il a pas l'air beaucoup + emballé que moi. On dit qu'on va donner des nouvelles. Une fois dans l'ascenseur on se dit rapidement que c'était pas trop la peine de se déplacer, surtout que le loyer tourne quand même à + de 870$ une fois les charges incluses, soit presque 150 euros de + que pour ma chambre actuelle.
Putain ce que ça fait du bien de parler à un Français, de pouvoir avoir une vraie conversation sans tout le temps chercher ses mots, juste faire connaissance vite fait en marchant vers le métro, apprendre ce que l'autre fait là, partager ses impressions sur NY, se souhaiter bon courage et se faire la bise (!) pour se dire au revoir (j'ai failli faire un hug putain, j'ai commencé à lancer mon bras en l'air et puis j'ai vite rétrogradé et j'ai juste vite fait posé ma main sur son épaule histoire de pas avoir agité le bras pour rien).
Allez hop retour dans l'autre sens vers Lavonia Avenue, j'ai hâte dis donc, maintenant il est 23h passées. J'arrive sur la plateforme du 3, je suis toute seule avec un gars aux cheveux grisonnants. Bon. Je fais les cent pas. Le panneau d'affichage n'affiche absolument rien donc on sait pas quand arrivera la prochaine rame. Bien bien bien. Comme j'ai pas de portable, je sais pas quelle heure il est ni depuis combien de temps j'attends, mais je sais par contre qu'il y a déjà 3 rames qui sont passées dans l'autre sens.
Le gars décide de me parler : "d'habitude il arrive en 2 ou 3 minutes, c'est pas normal qu'il soit aussi en retard vous savez !". Ah. Ben merci de l'info, ça le fait pas venir mais c'est gentil de me confirmer que je suis maudite.
"Vous êtes Russe ?" Ah non loupé mon gars. Merde, est-ce qu'en + d'être en jupe, j'ai l'air d'être une fille de l'Est qui a des gros seins ?
"Nan j'suis française. Et vous vous êtes russe ?" "Nan turc". Ah ben au moins j'avais bon sur un point, tu roules les "R".
Et là, phénomène de mixage culturel, entre la solidarité de déraciné et l'intégration américaine, il se met à me raconter sa vie. En 10 minutes je sais comment il s'appelle, où il a grandi, dans quels pays il a vécus, quel âge a son fils, ce qu'il va faire quand il sera retraité (retourner en Turquie), où il a passé ses vacances de Noël (à JFK comme moi dis donc).
Le métro arrive enfin. Il continue de me parler et s'assied à côté de moi, il m'explique qu'il est venu me parler pour être sûr que je me ferais pas agresser par quelqu'un parce que dès qu'il m'a vue il s'est douté que j'étais pas du quartier. Oui bah c'est bon je le SAIS que je suis inconsciente et en jupe. Et là, il fait quoi ? Truc typique d'Américain (on a déjà coché la case "by the way nice to meet you, I'm John") : il me sort son téléphone portable et il me présente toute sa famille et il me montre des photos de sa nouvelle copine et de son fils et de lui à tel endroit et de la fille de sa cousine.
J'aimerais comprendre. J'aimerais que quelqu'un qui s'y connaît un peu me raconte pourquoi les Américains ont le besoin irrépressible de te montrer des photos de leurs proches. Que les gens aient des photos de ceux qu'ils aiment sur eux, bon, je veux bien, j'ai bien emmené une dizaine de photos à NY et j'en ai une de RJF dans mon porte-feuille (révélation carte postale du jour). Mais bordel pourquoi les montrer à des gens que tu ne connais pas et que tu ne reverras jamais et même que tu vas oublier dans 5 minutes puisque c'est la règle aux USA de discuter avec le premier venu et de le rayer aussi sec du disque dur ? Pourquoi ? It doesn't make any sense !
Bon ceci dit c'était cool, j'ai bien aimé discuter avec ce type, jamais j'aurais tapé la discute avec un mec de 50 ans dans le métro à Paris (ou alors j'aurais été célibataire, légèrement éméchée et il aurait insisté pour qu'on se revoie). Là non, t'arrives à ta station, tu dis "bon bah je descends là, nice to meet you!", l'autre répond "take care" et hop c'est fini, chacun repart de son côté. J'ai un peu de mal à me faire à cette habitude de déballer toute sa vie d'un coup au milieu d'un quai de métro, mais j'apprécie la simplicité qui entoure la discussion, sans sous-entendus, sans engagement ni même sans peur de ce que va penser l'autre.
Je vous ferais bien une petite conclusion spirituelle mais il est déjà 2h30 et cet article est déjà trop long.
Les Américains racontent continuellement leur life aux inconnus. je pense qu'ils souffrent souvent de solitude et ont besoin d'un peu plus d'affection apparemment. Mais ici aussi c'est très commun : tu ne peux pas ne pas parler aux gens à l'arrêt de bus avec toi, tu dois leur raconter ta life et eux la leur. Perso j'aime bien :)
RépondreSupprimermais PUTAIN t'es encore allée à Kaboul quoi. Phoque.
Erf, courage :(
Je ne remercierai jamais assez ce brave turc qui t'a protégè des "midnight ramblers" ou "serial killers" qui rôdent dans les rues de N-Y la nuit!
RépondreSupprimerPromets-moi de ne plus te promener en jupe vers 23h dans des quartiers glauques, même si c'est pour une bonne cause ! Sinon je vais faire des cauchemars toutes les nuits ! Ton papa qui t'aime ! (et merci aussi à l'american way of life qui permet de taper la discute dans des situations abracadabrantesques...)
Je signale aux lecteurs assidus qu'il y a de jolies photos de neige qui illustrent l'article 140 et qui n'y étaient pas la dernière fois...
RépondreSupprimerÇa serait bête de les rater !
Tu vois, les norvégiens ont raison :) N'empêche que leur sujet de conversation favori est le temps qu'il fait (cela dit je les comprends, il faut bien se réjouir quand il fait beau et surveiller que le thermomètre ne s'amuse pas à faire le yoyo)...
RépondreSupprimerSauf qu'en Norvège tu aurais déjà rencontré 5 norvégiens ivres et relous + un mec ivre chantant "Blowin' in the wind" sur le quai du métro !
-> VK : Au delà de la solitude je pense que c'est surtout que ça fait partie de leurs règles sociales tout comme nous on a l'habitude de considérer que raconter sa vie aux autres les emmerdes forcément. Je trouve ça sympa une fois de temps en temps mais ça me soûlerait énormément au bout d'un moment je crois, il n'y a pas de juste milieu, en France soit t'engages pas la conversation soit l'autre pense que tu veux coucher, aux USA tu peux parler à tout le monde mais ça débouche jamais sur quoi que ce soit, t'as l'impression de rencontrer des gens et puis au final chacun reste autant tout seul.
RépondreSupprimer-> Alexandra : Bon au moins sur ce point, je suis positivement surprise, il n'y a jamais de mecs bourrés dans le métro !!
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